André et Geneviève Gournier se sont-ils suicidés ou bien ont-ils été empoisonnés par leur fils ? Empoisonnés par une injection de Tracrium, une forme de curare utilisée dans les blocs opératoires ?... Pour les enquêteurs, cette dernière thèse était la plus crédible. Ils se sont trompés. Après 10 ans de marathon judiciaire et une condamnation par les Assises de la Loire, Jean-Paul Gournier a finalement été acquitté. Reste la thèse du suicide. Techniquement possible, mais difficile à concevoir… Reste un mystère. Comment et surtout pourquoi cet homme de 75 ans et cette femme de 81 ans sont-ils morts ?.... C’est le 30 novembre 1999, dans leur maison de Saint-Priest-en-Jarez, dans la Loire, qu’on a découvert les corps d’André et Geneviève. Tous deux étaient affalés sur des fauteuils du salon, à côté de la cheminée. Dans la cuisine, le bouton du gaz était ouvert, mais il n’y avait pas d’odeur suspecte et la bombonne était vide. Dans une chambre, le fer à repasser était allumé, et posé sur un rideau en nylon. Et sur le bras de Geneviève, il y avait une trace de piqûre... A l’époque, les premiers rapports concluent à une mort naturelle. Un empoisonnement, peut être par des champignons, comme le suggère le fils du couple, qui est médecin et qui ne les a pas trouvés très bien la veille des faits… mais l’explication est un peu courte pour le juge, qui demande une expertise toxicologique. En attendant les résultats, la vie du couple est passée au crible. Et elle n’a pas toujours été simple. En 1974, Geneviève avait 57 ans quand elle a découvert que son mari la trompait. Pendant 25 ans, elle le lui a fait payer ! En faisant chambre à part, en lui lançant des " bras d’honneur " dès qu’il avait le dos tourné... En 1997, deux ans avant leur mort, elle a découvert que son mari la trompait encore. Le retraité fréquentait une prostituée, sur une aire d’autoroute. Depuis, elle répétait à tout le monde qu’elle le tuerait, et qu’elle brûlerait cette maison, qui a abrité ces adultères. Pour les proches des Gournier, l’affaire est entendue. Geneviève a tué André et s’est suicidée ensuite. Mais l’enquête montre aussi que les deux retraités avaient des projets pour les mois à venir. Les policiers se penchent sur l’emploi du temps du couple, pour apprendre que deux jours avant le drame, André est allé voir la prostituée. Il était rentré blessé au crâne après un accident de la route. Alerté, son fils Jean-Paul, cardiologue, était passé dans la soirée. Et le lendemain, il est revenu faire une prise de sang à ses parents. Il est donc le dernier à les avoir vus vivants. On va l’accuser de les avoir tués. Car le résultat des analyses toxicologiques révèle que les époux Gournier ont été empoisonnés. Par injection de Tracrium ! Un produit utilisé en anesthésie. Et comme Jean Paul Gournier est aussi chirurgien, le lien est vite fait. Placé en garde à vue, l’homme nie farouchement le double assassinat de ses parents. Mais les policiers lui ont déjà trouvé un mobile. L’argent de l’héritage. Car, au moment des faits, il est très endetté. Pour ne rien arranger, la thèse du suicide prend l’eau : sur place, les enquêteurs n’ont retrouvé ni l’ampoule, ni la seringue que Geneviève aurait utilisées avec ou sans l’accord de son mari. La défense trouve la parade grâce à une photo des lieux du drame. On y voit des cendres dans la cheminée. Elles n’ont jamais été fouillées. Geneviève a pu y jeter la seringue juste avant de se laisser mourir sur le fauteuil. Mais les expertises vont mettre à mal cette thèse. Toutes concluent, compte tenu de la quantité de Tracrium retrouvé dans le corps des victimes, que la paralysie liée au curare, est intervenue très rapidement. Et surtout trop vite pour que Geneviève n’ait le temps de faire les quelques pas qui séparait la cheminée du fauteuil où on l’a retrouvée. A son procès, Jean-Paul Gournier conteste les résultats des expertises. Mais il semble arrogant et fait mauvaise impression aux jurés qui le condamnent à 25 ans de prison. Alors le chirurgien fait appel. Cette fois, il se défend mieux, et surtout, il peut s’appuyer sur les travaux d’un spécialiste canadien qui soutient que Geneviève a pu marcher quelques secondes après l’injection de Tracrium. En 2009, Jean-Paul Gournier est finalement acquitté par la cour d’assises du Rhône.