Une documentation lacunaire, conjuguée à une soif de romanesque, a suffi à forger la légende tragique d’Amedeo Modigliani : celle d’un artiste miséreux diluant dans l’alcool son talent brut comme ses souffrances de tuberculeux, auxquelles il succombera à 35 ans. Sa compagne enceinte, Jeanne Hébuterne, se suicidera au lendemain de sa disparition. Né en 1884 à Livourne, dans une famille juive séfarade désargentée et cultivée, Amedeo Modigliani débarque à 22 ans dans la bohème parisienne, avec pour bagages sa formation classique et un modeste héritage, rapidement évaporé. Ses premières toiles, à la croisée des courants (La Juive, exposé au Salon des indépendants de 1908, emprunte à la fois à l’expressionnisme de Munch, à la palette d’un Picasso période bleue et au trait assuré de Toulouse-Lautrec), lui valent l’admiration du médecin Paul Alexandre, ami et mécène qui l’introduira dans sa colonie d’artistes montmartroise de la rue du Delta.